ACC 2023 : les études PROMINENT, REDUCE-IT et STRENGTH : impact de l’inflammation et du taux de cholestérol sur le risque cardiovasculaire résiduel chez des patients sous statines

Auteur :
Antonin Trimaille
Strasbourg
Relecteur : Dr Guillaume Bonnet, New York
En direct de l'ACC 2023
D'après la présentation de Paul Ridker (Boston, États-Unis) : « Relative Importance of Inflammation and Cholesterol as Determinants of Residual Cardiovascular Risk Among 31,245 Contemporary Statin Treated Patients »
Messages clés
- L’inflammation et l’hyperlipidémie sont deux déterminants majeurs du risque cardiovasculaire que l’on peut maitriser en pratique clinique avec des traitements anti-inflammatoires et hypolipémiants
- Cette étude s’est intéressée à la relation entre le risque cardiovasculaire résiduel chez des patients déjà traités par statines et les niveaux de hsCRP et de LDL-C
- Les auteurs ont "poolé" les patients sous statines des études PROMINENT (n=9988), REDUCE-IT (n=8179) et STRENGTH (n=13078), formant ainsi une population totale de 31 245 patients
- Dans cette population, le taux de hsCRP est un puissant marqueur du risque d’événement cardiovasculaire, qui semble être encore plus fort que le taux de LDL-C
- Ces résultats apportent des données suggérant de cibler l’inflammation résiduelle chez des patients sous statines afin de réduire le risque cardiovasculaire
Contexte
L’inflammation et l’hyperlipidémie contribuent considérablement au risque d’événement athérothrombotique chez les patients sans traitement spécifique. Chez les patients déjà sous statines, plusieurs essais cliniques ont démontré l’intérêt d’ajouter un traitement hypocholestérolémiant (ézétimibe, inhibiteur de PCSK9, acide bempédoïque) 1–3 et anti-inflammatoire (canakinumab, colchicine) 4,5 afin de réduire encore le risque cardiovasculaire dans un objectif de « lower is better » pour ces deux processus physiopathologiques. Cependant, quand et comment choisir d’ajouter ces traitements aux statines n’est pas encore clairement défini en pratique.
Cette étude avait pour objectif d’évaluer les relations entre l’hsCRP (un biomarqueur de l’inflammation résiduelle) et le LDL-C (un biomarqueur du niveau de cholestérol résiduel) avec les événements cardiovasculaires majeurs (MACE), la mortalité cardiovasculaire et la mortalité totale chez des patients traités par statines et à haut risque cardiovasculaire.
Méthodologie et résultats
Les auteurs ont poolé les patients sous statines et à haut risque cardiovasculaire des études PROMINENT (n=9 988), REDUCE-IT (n=8 179) et STRENGTH (n=13 078). Les critères de jugement étaient les MACE, la mortalité cardiovasculaire et la mortalité totale au terme d’un suivi allant de 3 à 5 ans.
Au total, 31 245 patients ont été inclus (âge moyen de 64 ans, environ 30 % de femmes). Il s’agissait de patients avec un profil de haut risque cardiovasculaire : une large majorité de diabétiques, plus de la moitié des patients en prévention secondaire.
Les différents niveaux de hsCRP et de LDL-C permettant de définir les quartiles étaient très similaires dans chaque étude. Dans la population globale, les patients situés dans les 3ème (hazard ratio (HR) 1.17, intervalle de confiance à 95 % (CI 95 %) 1.07-1.28, p=0.001) et 4ème quartiles (HR 1.31, CI 95 % 1.20-1.43, p<0.0001) pour les niveaux de hsCRP étaient à plus haut risque de présenter un MACE au cours du suivi (Figure 1). En revanche, on n’observe aucune association entre le niveau de LDL-C et les MACE.
Figure 1. Risques de présenter un MACE selon les quartiles de hsCRP et de LDL-C
Source : présentation de Paul Ridker (Boston, États-Unis) à l'ACC 2023
Le risque de mortalité cardiovasculaire est plus élevé chez les patients situés dans les 2ème (HR 1.34, CI 95 % 1.09-1.64, p=0.008), 3ème (HR 1.68, CI 95% 1.38-2.04, p<0.0001) et 4ème quartiles (HR 2.68, CI 95% 2.22-3.23, p<0.0001) pour les niveaux de hsCRP mais également pour le 4ème quartile du taux de LDL-C (HR 1.27, CI95% 1.07-1.50, p=0.009) (Figure 2).
Figure 2. Risques de mortalité cardiovasculaire selon les quartiles de hsCRP et de LDL-C
Source : présentation de Paul Ridker (Boston, États-Unis) à l'ACC 2023
Le risque de mortalité totale est également plus élevé chez les patients situés dans les 2ème (HR 1.34, CI 95% 1.16-1.55, p=0.0001), 3ème (HR 1.59, CI95% 1.38-1.83, p<0.0001) et 4ème quartiles (HR 2.42, CI95% 2.12-2.77, p<0.0001) pour les niveaux de hsCRP, tout comme pour le 4ème quartile du taux de LDL-C (HR 1.16, CI95% 1.03-1.32, p=0.025) (Figure 3).
Figure 3. Risques de mortalité totale selon les quartiles de hsCRP et de LDL-C
Source : présentation de Paul Ridker (Boston, États-Unis) à l'ACC 2023
Enfin, si on scinde la cohorte totale en 4 groupes selon le niveau d’hsCRP avec un cut-off à 2 mg/L et selon le niveau de LDL-C avec un cut-off à 70 mg/dL, on observe que le risque de mortalité cardiovasculaire est le plus élevé pour les groupes hsCRP ≥2 mg/L + LDL-C <70 mg/dL et hsCRP ≥2 mg/L + LDL-C 70 ≥mg/dL (Figure 4).
Figure 4. Risque de mortalité cardiovasculaire selon les niveaux de hsCRP et de LDL-C
Source : présentation de Paul Ridker (Boston, États-Unis) à l'ACC 2023
Conclusion
Parmi des patients à haut risque cardiovasculaire traités par statines, l’inflammation résiduelle reflétée par le taux d’hsCRP est un puissant marqueur du risque d’événement cardiovasculaire, qui semble être encore plus fort que le taux de LDL-C.
En sortie de sessionSelon les résultats de cette étude, cibler l’inflammation résiduelle semble être une stratégie intéressante pour réduire le risque cardiovasculaire de patients déjà traités par statines. De nombreuses thérapies sont envisageables dans ce contexte . La Colchicine est un anti-inflammatoire intéressant chez les patients avec une fonction rénale normale qui a déjà démontré son intérêt chez les patients avec maladie coronaire dans les essais COLCOT et LoDoCo2. . L’acide bempedoïque est probablement également une piste pertinente car il permet, comme les statines, de réduire à la fois les taux de LDL-C et d’hsCRP. . les inhibiteurs de SGLT2 ou les agonistes du GLP1 pourraient également avoir un effet bénéfique via une réduction de l’inflammation systémique et vasculaire, en plus de leurs autres mécanismes. . Le traitement anti-inflammatoire ciblant Interleukine 1-Beta par l’anticorps monoclonal anti-IL1 (CANAKINUMAB) avait montré une réduction significative l’incidence d’évènements cardio-vasculaires, lors de l’ESC 2027 (https://www.cardio-online.fr/Actualites/A-la-une/CANTOS-La-preuve-de-l-efficacite-du-traitement-de-l-inflammation-en-prevention-secondaire). La principale limite était le cout du CANAKINUMAB aux alentours de 200.000 dollars par an, difficilement applicable à une indication large pour la prévention secondaire. Il faut néanmoins se rappeler qu’il s’agit d’une étude observationnelle dérivant de 3 essais cliniques qui démontre l’association entre un niveau d’inflammation résiduelle élevée et un risque cardiovasculaire majoré. De futures études seront nécessaires pour valider l’efficacité des traitements anti-inflammatoires sur la réduction des événements cardiovasculaires dans ce contexte. |
Références
- Cannon CP, Blazing MA, Giugliano RP, McCagg A, White JA, Theroux P, et al. Ezetimibe Added to Statin Therapy after Acute Coronary Syndromes. N Engl J Med 2015;372:2387–97.
- Sabatine MS, Giugliano RP, Keech AC, Honarpour N, Wiviott SD, Murphy SA, et al. Evolocumab and Clinical Outcomes in Patients with Cardiovascular Disease. N Engl J Med 2017;376:1713–22.
- Nissen SE, Lincoff AM, Brennan D, Ray KK, Mason D, Kastelein JJP, et al. Bempedoic Acid and Cardiovascular Outcomes in Statin-Intolerant Patients. N Engl J Med 2023
- Ridker PM, Everett BM, Thuren T, MacFadyen JG, Chang WH, Ballantyne C, et al. Antiinflammatory Therapy with Canakinumab for Atherosclerotic Disease. N Engl J Med 2017;377:1119–31.
- Tardif JC, Kouz S, Waters DD, Bertrand OF, Diaz R, Maggioni AP, et al. Efficacy and Safety of Low-Dose Colchicine after Myocardial Infarction. N Engl J Med 2019;381:2497–505.
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