ACC 2023 : l'étude PCDS Statin - Les rappels automatisés personnalisés efficaces pour améliorer la compliance et la titration des statines

Auteur :
Dr Romain Boulestreau
Bordeaux
D’après la présentation de Salim S. Virani (Houston, États-Unis) : "Cluster Randomized Trial of a Personalized Clinical Decision Support Intervention to Improve Statin Prescribing in Patients With Atherosclerotic Cardiovascular Disease (PCDS Statin)"
Messages clés
- L’utilisation de rappels automatisés personnalisés en fonction des antécédents cardiovasculaires, de l’indication d’une statine et des effets secondaires rapportés a permis d’augmenter la prescription de statines à haute intensité.
- Sur l’année d’étude, cette prescription a augmenté de 10,1 % pour les patients dont les médecins traitants ont effectivement reçu un rappel, diminué de 0,2 % pour les patients du bras intervention dont les médecins n’ont pas reçu de rappel (pour limiter la surcharge de rappel) et baissé de 2,2 % dans le bras contrôle.
- Points négatifs : un tiers des médecins de l’étude ont refusé de recevoir des alertes pour ne pas surcharger leur travail quotidien, et la prescription globale de statines (quelle que soit l’intensité), a baissé dans les 2 groupes au cours de l’étude
Contexte
L'utilisation des statines de haute intensité reste limitée chez les patients atteints de maladie cardiovasculaire ou à haut risque, malgré les bénéfices largement démontrés en termes de protection cardiovasculaire. Les deux freins principaux sont les effets secondaires associés aux statines et l'inertie thérapeutique. Les auteurs ont évalué si l’envoi aux médecins de rappels personnalisés sur le risque cardiovasculaire de leur patient, l’indication à une statine et la présence d’un antécédent d’événements indésirables, augmentaient la prescription de statines à haute intensité dans cette population.
Méthodes
Les auteurs ont réalisé une étude randomisée en cluster s’appuyant sur des algorithmes d’intelligence artificielle pour identifier dans les dossiers médicaux et résumer les antécédents cardiovasculaires des patients, l’indication à une statine et les antécédents d’effets indésirables des statines chez ces patients.
Tous les médecins ont reçu en début d’étude une formation sur les indications des statines et ont eu accès à un tableau de bord contenant des informations détaillées sur l'utilisation des statines chez leurs patients atteints de maladies cardiovasculaires.
Les médecins des établissements inclus dans le bras intervention pouvaient recevoir ces résumés concernant leurs patients, un peu avant la consultation (envoi synchrone) ou dissocié de la consultation (envoi asynchrone). À partir de 3 rappels reçus et non signés, les médecins ne pouvaient plus recevoir de nouveaux rappels pour limiter les sollicitations.
Le critère de jugement principal était la différence d’évolution de prescription de statines à haute intensité entre la baseline et la fin d’étude, dans les 2 groupes. Le critère de jugement secondaire était la différence d’évolution de prescription des statines quelle que soit leur intensité, dans les 2 groupes. L’évolution de l’observance dans les 2 groupes a également été comparée, en se basant sur les renouvellements d’ordonnance.
Résultats
Les auteurs ont randomisé 14 établissements (avec un total de 117 cliniciens traitant 18 427 patients) pour mettre en œuvre les rappels pendant une période de 15 mois et 13 cliniques (128 cliniciens traitant 18 214 patients) pour continuer leurs pratiques de soins habituelles. Les caractéristiques de la population des 2 bras sont résumés tableau 1.
Tableau 1 : Caractéristiques de la population
Source : présentation de Salim S. Virani (Houston, États-Unis) à l'ACC 2023
Dans le groupe d'intervention, 4 928 rappels ont été envoyés, concernant uniquement 50 % de la cohorte de patients éligibles en raison des protocoles visant à minimiser la fatigue des médecins liée aux rappels. Cela signifie que les médecins avaient régulièrement 3 rappels non signés à traiter.
La proportion de patients à qui l'on a prescrit un traitement par statine de haute intensité a augmenté de 1,6 % dans toutes les cliniques du groupe d'intervention et baissé de 2,2 % dans le groupe de soins habituels au cours de l’étude (différence significative de 3,8 %). Cette proportion a augmenté de 10,1 % pour le groupe de patients dont les médecins ont reçu un rappel dans le groupe d'intervention (figure 1).
Figure 1 : évolution de la prescription de statines à haute intensité entre les 2 groupes (rouge et vert), et dans le groupe intervention entre les patients dont les médecins ont reçu un rappel
Source : présentation de Salim S. Virani (Houston, États-Unis) à l'ACC 2023
Environ 27 % des rappels ont été envoyés de manière synchrone, avec une tendance à l’augmentation de la prescription de statines à haute intensité dans ce sous groupe, tout comme les patients qui n'avaient pas signalé auparavant un effet secondaire associé aux statines (figure 2).
Figure 2 : évolution de la prescription de statines à haute intensité dans le groupe intervention, en fonction de l’envoi synchrone ou non des alertes et de l’antécédent ou non d’effets secondaires des statines
Source : présentation de Salim S. Virani (Houston, États-Unis) à l'ACC 2023
L'adhésion aux statines (telle que mesurée par les données sur les renouvellements d'ordonnance) était 2,8 % plus élevée chez les patients du groupe d'intervention.
On note en revanche que 30 % des médecins des cliniques de l’étude ont choisi de ne pas participer, et la proportion totale de patients à qui l'on a prescrit une statine (pas seulement une statine de haute intensité) a légèrement diminué pour les 2 groupes de l’étude (y compris le groupe intervention).
Pour les auteurs, le faible nombre de rappels synchrones, la lassitude des cliniciens au fil de l’étude, l'absence d'algorithme d'aide à la décision clinique intégré au rappel et la charge mentale sur le temps du clinicien dans le contexte de la pandémie de COVID-19 au cours de l'étude peuvent avoir réduit l'efficacité globale de l'intervention.
Conclusion
L’utilisation de rappels automatisés personnalisés en fonction des antécédents cardiovasculaires, de l’indication d’une statine et des effets secondaires rapportés a permis d’augmenter la prescription de statines à haute intensité. Cette approche présente néanmoins de nombreuses limites semblant entraver en l’état un déploiement dans la pratique quotidienne, mais renforçant l’idée qu’une aide informatique via l’intelligence artificielle pourrait participer à l’amélioration de la prise en charge des patients.
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