ACC 2023 : l'essai RAPID-HF : stimulation auriculaire pour l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée

Mis à jour le vendredi 10 mars 2023
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Clément Nguyen

Auteur :
Dr Clément NGUYEN NGOC
Bordeaux

 Relecteur : Dr Guillaume Bonnet, New York

En direct de l'ACC 2023

D'après la présentation de Hyo-Soo Kim (Rochester, États-Unis) : “RAPID-HF: Atrial Pacing For Heart Failure With Preserved Ejection Fraction: A Randomized Clinical Trial.” 

Publié simultanément dans le JAMA (DOI: doi:10.1001/jama.2023.0675)

Messages clés

  • Premier essai randomisé étudiant le traitement de l’insuffisance chronotrope dans l’insuffisance cardiaque à FE préservée
  • L’implantation d’un pacemaker n’améliore pas la capacité fonctionnelle ni les performances évaluées par l’épreuve VO2
  • Absence de bénéficie expliquée par une diminution du volume d’éjection systolique

Méthodologie et Résultats

L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (ICFEP) ne comportait jusqu’à très récemment aucune classe thérapeutique avec un bénéfice sur la morbi-mortalité. Malgré les preuves récentes sur les gliflozines, qui constituent la première classe avec une efficacité démontrée, l’arsenal thérapeutique y reste pauvre.

L’insuffisance chronotrope est présente chez 50 % des patients porteurs d’une ICFEP, et celle-ci est associée à :

  • Une diminution de la réserve de débit cardiaque à l’effort
  • Une diminution du pic VO2 max

On sait également que l’arrêt d’un traitement par bêta-bloquant, en augmentant la fréquence cardiaque, augmenterait la capacité aérobique. C’est pourquoi l’ESC recommande l’implantation d’un pacemaker en cas d’insuffisance chronotrope sévère associée à l’ICFEP(1). Cependant, cette recommandation ne se base sur aucune étude randomisée, et l’implantation d’un pacemaker n’est pas dénuée de risque.

L’étude RAPID-HF est une étude monocentrique contrôlée, randomisée, avec un schéma en crossover. 29 patients avec une FEVG ≥ 50 %, symptomatiques, avec une insuffisance chronotrope (réserve de fréquence < 0,8 ou < 0,62 sous bêta-bloquants) ont bénéficié de la pose d’un pacemaker, puis étés randomisés dans le groupe : asservissement (AAI-R) ou sans asservissement (VVI 30 bpm) pour 4 semaines, suivi d’une période de « wash-out » de 4 semaines, puis de la période de crossover pendant 4 autres semaines.

Les patients étaient représentatifs d’une population d’ICFEP : âge moyen 65 ans, obèse, avec 50 % de femmes.

Figure 1. Design de l’étude, en cross over

Source : présentation de Hyo-Soo Kim (Rochester, États-Unis) à l'ACC 2023

Le critère de jugement principal était le Seuil anaérobique (Seuil Ventilatoire 1 ; SV1), reflet de la capacité cardiovasculaire. Les critères de jugement secondaires s’intéressaient au pic VO2 max, pente V2/VCO2, NTproBNP ainsi qu’un score de qualité de vie (KCCQ-OSS).

L’asservissement par le stimulateur cardiaque a permis une augmentation de la fréquence de repos de 16 bpm, et la fréquence au pic de l’effort de 14 bpm. Il n’y avait pas d’effet significatif sur le SV1 : +0,3 ml/kg/min (P = 0,46), ni sur les critères de jugement secondaire : pic VO2 max + 0,4 ml/kg/min (P = 0,27), pente VE/VCO2, NTproBNP, ou qualité de vie. Le pouls d’O2 (reflet du volume d’éjection systolique) était quand à lui significativement diminué pendant les phases de stimulation : -0,015 ml/kg/min/battement (P = 0,02) expliquant l’absence de bénéfice fonctionnel de l’asservissement.

Figure 2. Résultats sur les critères de jugement (épreuve VO2, NTproBNP)

Source : présentation de Hyo-Soo Kim (Rochester, États-Unis) à l'ACC 2023

Cette absence de bénéfice contraste avec un fort taux d’effet indésirable majeur : notamment une tamponnade, des insuffisances tricuspides par conflit avec les sondes, ou encore des hématomes de loge nécessitant une reprise.

Également présent chez 5 patients, un inconfort de la poitrine pendant les phases de stimulation.

Figure 3. Effets indésirables liés à l’implantation du pacemaker

Source : présentation de Hyo-Soo Kim (Rochester, États-Unis) à l'ACC 2023

Conclusion

En conclusion, il existe un lien entre l'insuffisance chronotrope et la baisse des capacités à l’effort chez le patient ICFEP, mais la correction de celle-ci par l’implantation d’un pacemaker ne permet pas de différence significative sur les capacités fonctionnelles, et s’accompagne d’effets indésirables non négligeables.

En sortie de session

  • Le bénéfice de l’augmentation de la fréquence cardiaque peut être compensée par l’effet néfaste de diminution du volume d'éjection. Les hypothèses sur la diminution de ce volume d’éjection sont : une diminution du calcium intra-cellulaire, une relaxation diminuée (diastole plus courte), altération de la réponse force-fréquence, asynchronie inter-atriale liée au pacemaker, augmentation de la poste-charge.
  • Dans le contexte d’un ICFEP, de nombreux éléments contribuent aux symptômes des patients au-delà de l’atteinte cardiaque : une myopathie induite, un déconditionnement à l’effort, composante vasculaire. La réadaptation pourrait être une piste de réponse.
  • Cette nouvelle étude négative de l’ICFEP renforce la vision d’une maladie multifactorielle, sans un simple levier à, où les traitements se doivent d’avoir une action pléiotropique (comme les iSGLT2) et la prise en charge multidisciplinaire.

 

Références

  1. McDonagh TA, Metra M, Adamo M, Gardner RS, Baumbach A, Böhm M, et al. 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J. 21 sept 2021;42(36):3599‑726. 

 

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