MR-NEDA – Valeurs pronostiques délétères démontrées des IM peu importantes à modérées

Mis à jour le lundi 11 décembre 2023
dans
Corentin Bourg

Auteur :
Corentin Bourg
Membre du Collège des Cardiologues en Formation,
Rennes

Charles Fauvel

Relecteur :
Charles Fauvel
Président du Collège des Cardiologues en Formation,
Rouen

En direct de l'ESC Congress 2023

D'après la présentation de David Playford (Perth, Australie) : "MR-NEDA – prognosis of mild to severe MR

Les messages clés

  • Les résultats du registre MR-NEDA montrent que la mortalité, tant globale que cardiovasculaire, augmente avec la sévérité de la fuite mitrale.
  • D’autres études sont maintenant nécessaires pour établir clairement la relation de causalité entre mortalité cardiovasculaire et insuffisance mitrale pour des degrés d’IM non sévère.

Introduction

L’insuffisance mitrale (IM) sévère et son pronostic sont maintenant bien caractérisés, puisqu'associés à une morbi-mortalité importante. En revanche, l’impact pronostique des fuites mitrales moyennes et modérées restent incertain.

Dans cette étude, les auteurs ont différencié plusieurs phénotypes d’IM :

  • MLD correspondant aux IM primitives.
  • aFMR : IM fonctionnelle atriale (= dilatation importante de l’oreillette gauche, FEVG normale et pas ou peu de dilatation ventriculaire gauche)
  • vFMR : IM fonctionnelle ventriculaire (= FEVG < 50 % et/ou dilatation VG modérée à sévère)

L’objectif de MR-NEDA est de déterminer l’impact pronostique en fonction de la sévérité de la fuite mitrale.

Principe de l'étude, méthodologie et résultats

Méthode

Le registre NEDA (National Echo Database Australia) est un registre multicentrique australien (33 sites principaux) comportant une population d’environ 25 millions de sujets (dont 20 millions âgés de plus de 18 ans). Les données issues des comptes-rendus d’échocardiographie sont liées à la mortalité des patients via le registre national d’état civil.

Pour MR-NEDA, plus d’un million de comptes-rendus d’ETT réalisés entre janvier 2000 et juin 2019 ont été inclus pour l’analyse. Environ 400 000 patients ont été exclus (patients ayant subi une chirurgie mitrale, données incomplètes, doublons). Ainsi, 608 570 sujets ont été inclus dans cette analyse via un processus de « Natural Language Processing » (traitement automatique du langage naturel). Cette méthode appartenant au domaine de l’intelligence artificielle se réfère à l'utilisation de techniques informatiques pour analyser et extraire des informations significatives à partir de textes descriptifs (compte-rendus) associés aux ETT.

Résultats

La population comprenait 319 808 hommes d'un âge moyen de 61,8 ans et 288 762 femmes d'âge moyen de 62,1 ans. Au sein de cette population, les auteurs ont rapporté les degrés de gravité de la fuite mitrale comme suit :

  • Aucune fuite mitrale ou trace de fuite dans 75,1 % des cas
  • Fuite mitrale de grade 2 (« mild », minime) : 16,9 %
  • Fuite mitrale de grade 3 (« moderate », moyenne) : 6,3 %
  • Fuite mitrale de grade 4 (« severe », sévère) : 1,7 %

Pendant la période de suivi, 153 612 sujets sont décédés, toutes causes confondues.

Parmi les patients présentant une fuite de grade 2 à 4, on observe une association entre la sévérité de la fuite, un âge plus avancé et une prévalence plus élevée de la fibrillation atriale. À noter également, les volumes ventriculaires et atriaux, ainsi que les pressions pulmonaires, augmentent à mesure que la fuite devient plus sévère.

En ce qui concerne les paramètres de la fuite mitrale elle-même, un épaississement des feuillets mitraux est plus fréquemment observé en cas d’IM de grade 4. Le prolapsus mitral est également plus prévalent dans ce groupe de patients, qui présente aussi une tendance à avoir davantage de rétrécissements mitraux (principalement chez les femmes).

Concernant le phénotype de la fuite mitrale, les fuites dites secondaires ventriculaires sont plus fréquentes dans le groupe de grade 4 (IM sévères), tandis que les fuites secondaires atriales sont plus courantes dans le groupe des IM de grade 2.

L’association entre la sévérité de l’IM et la mortalité non ajustée est reportée dans le tableau suivant :

  IM 0-1/4 IM 2/4 IM 3/4 IM 4/4
Mortalité toute cause à 5 ans 19.2% 36.1% 54.6% 67.5%
Mortalité cardiovasculaire à long terme 5.2% 11.8% 22.1% 32.6%

 

La figure 1, panel de gauche, présente la mortalité toutes causes confondues à long terme ajustée en fonction de la gravité de la fuite mitrale, tandis que la figure 1, panel de droite, illustre la mortalité cardiovasculaire en fonction de la gravité de la fuite mitrale.

Figure 1 : Mortalité à long terme selon la sévérité de la fuite mitrale
À gauche : Décès toute cause, à droite : décès d’origine cardiovasculaire
En vert : IM de grade 0-1, jaune : IM grade 2/4, orange : IM grade 3/4, rouge : IM grade 4/4
Source : présentation ESC du Pr Playford

On observe donc que la mortalité (globale et de cause cardiovasculaire) est croissante avec la sévérité de la fuite mitrale, aussi bien chez les hommes que chez les femmes (Figure 2). Des schémas de mortalité similaires sont observés en fonction du degré de la fuite dans le modèle ajusté.

Figure 2 : Mortalité toute cause à 1 (couleur foncée) et 5 ans (couleur claire) selon le sexe (hommes en bleu et femmes en rose) et le grade de l’IM
Source : présentation ESC du Pr Playford

Conclusion

En conclusion, l'aggravation de la fuite mitrale est associée à une augmentation du risque de mortalité toutes causes et cardiovasculaire. Cela vaut également pour des fuites mitrales de grades 2 et 3.

Malgré un nombre important de patient inclus dans cette étude, il existe quelques limites qu’il faut souligner. Tout d'abord, il s’agit d’une analyse rétrospective et l'absence d'informations cliniques (comorbidités, traitements…) reportées dans le registre NEDA limitent l’étude des facteurs externes contribuant aux évènements cardiovasculaires reportés ici.

Une autre limite notable est l'absence de réévaluation indépendante des images d'échocardiographie pour quantifier réellement la sévérité de l’IM.

Dans cette étude descriptive épidémiologique, il n'est pas possible d'établir une relation de causalité entre la gravité de la fuite et la mortalité, malgré l'association claire observée. Par conséquent, on ne peut pas conclure à la nécessité d'une intervention de remplacement ou de réparation valvulaire pour tous, même aux stades les plus précoces. Il pourrait ainsi être judicieux de considérer les fuites mitrales de modérées à sévères comme des marqueurs d'un changement de phénotype myocardique. Des explorations supplémentaires seront nécessaires pour décrypter pleinement les implications.

 

Pour en savoir plus, consultez les LBS, LBT et hotlines complètes, en langue anglaise, présentées lors de l'ESC 2023 :

Toute l'actualité de l'ESC 2023

  

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Ce compte rendu d'étude ne reflète pas l'opinion de Cardio-online ou de la SFC, et n'engage pas leur responsabilité.