Impact pronostique de l’intoxication au monoxyde de carbone (CO) chez les fumeurs actifs hospitalisés en USIC

Arthur Clement
Membre du Collège des Cardiologues en Formation,
Paris

Théo Pezel
Membre du Collège des Cardiologues en Formation,
Paris
En direct de l'ESC Congress 2023
D'après la présentation de Jean-Guillaume Dillinger (Paris, France) : "Carbon Monoxide and Acute Cardiac Events"
Les messages clés
- Comme attendu, le taux de CO expiré était significativement plus élevé chez les patients fumeurs actifs que chez les patients sevrés ou non-fumeurs.
- Le taux de CO expiré mesuré chez les patients fumeurs actifs à l’arrivée en USIC était indépendamment associé à la survenue de mortalité toute cause à 1 an.
- Cette étude montre de façon inédite une aggravation significative de la mortalité à 1 an chez les patients fumeurs actifs avec un taux de CO expiré supérieur à 11 ppm.
- Le taux de CO expiré mesuré était aussi indépendamment associé à la survenue d’un critère composite (MACE) à 1 an de suivi incluant : décès, infarctus du myocarde et AVC.
- Le taux de CO expiré semble être un indicateur intéressant du taux d’intoxication systémique au CO.
Introduction
Le tabagisme actif, au-delà des effets connus sur l’athérosclérose, la thrombose et la survenue des maladies cardiovasculaires, produit, via les phénomènes de combustion, une authentique intoxication au monoxyde de carbone.
L’hypoxie induite, et les dommages cardiaques directs du CO, pourraient être à l’origine de manifestations cliniques cardiologiques spécifiques.
Cette étude, ancillaire de la cohorte française multicentrique ADDICTO-USIC1, s’intéresse donc au pronostic des patients fumeurs selon le taux d’intoxication au CO.
Principe de l'étude, méthodologie et résultats
La cohorte ADDICTO-USIC est une étude observationnelle prospective multicentrique à l’initiative du Groupe USIC et du Collège des Cardiologues en Formation (CCF) de la SFC, incluant 39 centres de France et d’Outre-Mer, et 1 499 patients consécutifs, hospitalisés pendant deux semaines en avril 2021.
Pensée comme une photographie des soins intensifs de cardiologie français, elle s’intéressait notamment à la consommation des drogues illicites, ainsi qu’à la mesure du taux de CO expiré à l’admission. Tous les patients majeurs étaient inclus s’ils n’étaient pas hospitalisés de façon programmée ou dans une autre unité les 24 heures précédentes. Le suivi des patients était réalisé en intra-hospitalier et 1 an.
Le critère de jugement principal était la mortalité à 1 an. Le critère de jugement secondaire était un critère de morbi-mortalité (MACEs) incluant à 1 an les décès, les infarctus du myocarde et les AVC d’une part ; et en intra-hospitalier les décès, les arrêts cardiaques récupérés et les chocs cardiogéniques d’autre part.
Parmi les 1 379 patients avec analyse interprétable du CO, l’âge moyen était de 63 ans, avec une majorité d’hommes (70 %) et de patients avec antécédent de pathologie cardio-vasculaire (61 %). La population comprenait environ un tiers de fumeurs actifs, un tiers de fumeurs sevrés et un tiers de non tabagiques.
Le diagnostic final retrouvait 53 % de syndrome coronaire aigu et 14 % d’insuffisance cardiaque aiguë. On note une mortalité intra-hospitalière de 1,7 %.
De façon attendue, le taux de CO expiré était significativement plus élevé chez les patients fumeurs actifs que chez les patients sevrés ou non-fumeurs (Figure 1).
Figure 1 : Niveau de CO expiré selon le statut tabagique
Le seuil du meilleur « cut-off » a été établi à 11 ppm, avec une aire sous la courbe à 0,70.
Les résultats présentés révèlent de façon inédite une aggravation significative de la mortalité à 1 an chez les patients fumeurs (n = 368), avec un taux de CO expiré supérieur à 11 ppm après ajustement sur l’âge et le sexe (HR = 6.1 ; 95 % CI : 2.5-14.6; p < 0.01) (Figure 2). Ces résultats étaient similaires après ajustement au sein de deux modèles multivariés distincts, le premier comprenant les comorbidités et le second les paramètres de sévérité intra-hospitalière.
Figure 2 : Pronostic à 1 an des patients fumeurs selon le taux de CO à l’admission en USIC
Les résultats secondaires retrouvent également une aggravation de la morbi-mortalité à 1 an (HR = 4.3; 95 % CI: 2.1-9.0; p < 0.01).
De façon intéressante, un taux expiré de CO supérieur à 11 ppm était également prédictif de mortalité sur l’ensemble de la population, comprenant fumeurs et non-fumeurs (HR = 4.03; 95 % CI : 2.33-6.98; p < 0.01). En revanche, le statut tabagique n’était pas prédictif de mortalité dans la population totale (HR = 1.66; 95 % CI : 0.96-2.85), réaffirmant l’apport prédictif du CO, incrémental au statut tabagique seul.
Conclusion
Dans une étude observationnelle multicentrique de 1 379 patients admis en USIC, une mesure du taux de CO expiré à plus de 11 ppm chez les patients fumeurs était associée à une aggravation de la mortalité toutes causes à 1 an.
Il s’agit des premiers résultats évaluant l’intérêt pronostique de cette mesure du CO en USIC. Les limites sont inhérentes aux essais observationnels, avec notamment l’absence de relation cause/conséquence certaine de cette association.
Ces résultats doivent être confirmés par des études de plus grande ampleur, et notamment l’évaluation d’une thérapeutique spécifique, notamment par oxygénothérapie à haut débit (OHD-Optiflow).
Référence bibliographique
- Pezel T, et al. Heart 2023;0:1–9. doi:10.1136/heartjnl-2023-322520
Pour aller plus loin
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Ce compte rendu d'étude ne reflète pas l'opinion de Cardio Online ou de la SFC, et n'engage pas leur responsabilité.
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