DICTATE-AHF - L’introduction précoce de dapagliflozine en hospitalisation, pendant un épisode d’IC aiguë, pourrait améliorer l’efficience de la décongestion

Auteur :
Adrien Al Wazzan
Membre du Collège des Cardiologues en Formation,
Rennes

Relecteur :
Charles Fauvel
Président du Collège des Cardiologues en Formation,
Rouen
En direct de l'ESC Congress 2023
D'après la présentation de Zachary Cox (Nashville, États-Unis) : "DICTATE-AHF: Early Dapagliflozin Initiation in Acute Heart Failure"
Les messages clés
- La dapagliflozine, introduite précocement pendant un épisode d’IC aiguë, en combinaison au traitement diurétique, semble diminuer les besoins en diurétique et accélérer la décongestion, sans pour autant améliorer significativement « l’efficience diurétique » (variation de poids totale (en kg) / dose totale de diurétique de l’anse (mg))
- Pas de surrisque, en particulier rénal et métabolique, à une introduction précoce de dapagliflozine dans le contexte de décompensation cardiaque aiguë
- L’instauration d’un i-SGLT2 précocément dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque congestive doit être privilégiée pour diminuer la durée d’hospitalisation, tout en débutant rapidement une titration des médicaments de l’insuffisance cardiaque.
Introduction
Les inhibiteurs du co-transporteur au sodium-glucose 2 (i-SGLT2) sont devenus une classe médicamenteuse incontournable chez les patients atteint d’insuffisance cardiaque, quelle que soit la FEVG. Les dernières recommandations de l’ESC 2023 sur l’insuffisance cardiaque insistent sur l’introduction précoce des thérapies durant l’hospitalisation1.
Le bénéfice de la dapagliflozine, un iSGLT2, a largement été démontré dans plusieurs études randomisées, afin de diminuer la mortalité cardiovasculaire et le risque de ré-hospitalisation pour insuffisance cardiaque2,3,4.
Puisque les iSGLT2, entrainent, entre autres, une augmentation de la diurèse, son introduction précoce pourrait, en plus de contribuer à une titration agressive et précoce, faciliter la décongestion des patients hospitalisés pour décompensation cardiaque aiguë, en combinaison aux traitements diurétiques conventionnels.
C’est à cette question qu’ont voulu répondre les auteurs de cette étude.
Méthodologie
- Il s’agit d’une étude prospective, multicentrique, randomisée, en ouvert. Son financement était assuré par le laboratoire AstraZeneca.
- La population à l’étude était composée de patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë congestive, quelle que soit leur FEVG, diabétiques de type 2 ou non, et avec un DFG ≥ 25 ml/min/1,73m2.
- Les principaux critères d’exclusion étaient : les contre-indications au traitement par dapagliflozine, la nécessité d’une thérapie par inotrope, et l’impossibilité de prendre le poids du patient debout, ou de mesurer avec précision les sorties urinaires.
- Design de l’étude : dans les 24h après leur admission, les patients étaient randomisés de façon équilibrée entre 2 bras :
- Groupe dapagliflozine 10 mg/j + protocole diurétique standardisé
- Groupe protocole diurétique standardisé seul
- Le protocole diurétique standardisé était basé sur l’utilisation de diurétique de l’anse administré par voie intraveineuse, avec une titration pour atteindre une diurèse entre 3 et 5L/24h dans chaque bras. En plus d’une prise de poids et d’une diurèse quotidienne, une mesure de la natriurèse a était réalisée avant l’administration de diurétique IV, après la première dose (mais avant la prise de dapagliflozine) et à J2. Les patients étaient suivis après leur sortie jusqu’à J30.
- Le critère de jugement principal choisi était l’efficience diurétique ("Diuretic Efficiency"), définie par le rapport variation de poids totale (en kg) / dose totale de diurétique de l’anse (mg), exprimé en équivalent kg/40 mg furosémide IV, et calculé à J5 de l’admission, ou à la sortie si celle-ci intervenait plus précocement.
Résultats
Cette étude a inclus 240 patients, d’âge moyen de 65 ans, et a été composée d’une majorité (61 %) d’hommes. La moitié (52 %) de la population avait une FEVG ≤ 40 %. Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 bras sur les principaux facteurs confondants.
Après ajustement sur le poids à l’inclusion, l’odd ratio pour l’efficience diurétique avec dapagliflozine versus bras standard était à la limite de la significativité statistique avec un OR = 0,65, IC [0,41 – 1,01], p = 0,06 (Figure 1).
Figure 1: Résultat pour le critère de jugement principal
Source: présentation de Zachary Cox pendant l'ESC 2023
Par ailleurs, sur les critères secondaires, la dapagliflozine a augmenté de façon significative la diurèse (p = 0,005) et la natriurèse (p = 0,025) des 24h (Figure 2), et permettait aussi de diminuer la durée de la thérapie par diurétique IV (p = 0,006) et la durée de séjour (p = 0,007).
Figure 2 : Résultat pour les critères de jugements secondaires
Source: présentation de Zachary Cox pendant l'ESC 2023
Concernant la sécurité, l’utilisation de dapagliflozine n’a pas augmenté de façon significative le risque d’hypotension symptomatique, d’hypoglycémie sévère, d’infection génito-urinaire, d’hyperkaliémie sévère et d’insuffisance rénale aiguë.
Conclusion
Malgré un résultat proche du seuil de significativité statistique, il semble avoir une tendance à une meilleure efficience de la thérapie diurétique lorsqu’un traitement par dapagliflozine est introduit précocement, en plus du traitement diurétique IV, chez les patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë.
L’absence de significativité s’explique probablement par une relativement faible population à l’étude. La sécurité d’une telle stratégie semble bonne, avec l’absence d’un surrisque de complication rénale, métabolique ou infectieuse dans le groupe dapagliflozine.
Des données supplémentaires seront nécessaires dans le futur pour confirmer cette tendance, mais ceci est en faveur d’une introduction précoce des i-SGLT2 en hospitalisation, afin de faciliter la décongestion, en plus de participer à l’instauration et à l’optimisation rapide des traitements de l’insuffisance cardiaque.
Références bibliographiques
- McDonagh TA, Metra M, Adamo M, Gardner RS, Baumbach A, Böhm M, et al. 2023 Focused Update of the 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: Developed by the task force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC) With the special contribution of the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. European Heart Journal. 2023 Aug 25;ehad195.
- McMurray JJV, Solomon SD, Inzucchi SE, Køber L, Kosiborod MN, Martinez FA, et al. Dapagliflozin in Patients with Heart Failure and Reduced Ejection Fraction. New England Journal of Medicine. 2019 Nov 21;381(21):1995–2008.
- Solomon SD, McMurray JJV, Claggett B, de Boer RA, DeMets D, Hernandez AF, et al. Dapagliflozin in Heart Failure with Mildly Reduced or Preserved Ejection Fraction. New England Journal of Medicine. 2022 Sep 22;387(12):1089–98.
- Wiviott SD, Raz I, Bonaca MP, Mosenzon O, Kato ET, Cahn A, et al. Dapagliflozin and Cardiovascular Outcomes in Type 2 Diabetes. New England Journal of Medicine. 2019 Jan 24;380(4):347–57.
Pour en savoir plus, consultez les LBS, LBT et hotlines complètes, en langue anglaise, présentées lors de l'ESC 2023 :
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